13 août 2016

Suicide Squad - Une mort annoncée ?


- Pas de spoilers -

Voilà plusieurs mois que Warner Bros faisait monter la sauce à grands coups de trailers alléchants. Ce nouveau film est le résultat d'un accouchement dans la douleur et le fruit de deux parents radicalement différents : la vision sombre du réalisateur David Ayer et le cahier des charges fun-coolitude du studio Warner. Suicide Squad, film bâtard à gros sous ou OVNI rafraîchissant ? Eh bien... un peu des deux.

La légereté est l'un des points forts du film, même si elle semble parfois un poil artificielle. Le ton et l'imagerie ont tellement évolué du côté fluo de la Force au fil de la production que ça donne quelques bizarreries. Comme une première demi-heure pop colorée, blindée d'effets post-prod, suivie de 90 minutes de film somme toute classique (j'y reviendrai plus bas). Ou comme une évolution flagrante du logo au fil des mois précédant la sortie du film :




Il était quand même audacieux de faire un "film de super-héros" sans super-héros. Encore plus avec des méchants. Et encore encore plus avec des méchants pas forcément très connus. Si la plupart des gens connaissent le nom du Joker, d'Harley Quinn voire de Killer Croc, peu ont entendu parler d'El Diablo ou de Captain Boomerang. Il est par conséquent de bon augure de présenter la fine équipe au public dès le départ, en même temps que l'instigatrice de ce projet top secret la présente au gouvernement américain : comme ça, c'est fait.

Autre chose d'intéressant ? Le casting, pardi !
Amusant comme le film n'a pas été tant marketé que ça avec la carte "Will Smith" alors qu'il est le plus connu du casting et que Deadshot est l'un des personnages principaux. L'acteur est comme toujours parfait mais il prend parfois l'ascendant sur son personnage : on voit davantage le Will Smith drôle et badass que Deadshot, révélant un certain manque de densité dans son écriture.

Mais le plus attendu au tournant était sans doute le Joker de Jared Leto. Alors... il est différent des Joker que l'on connaît, c'est certain : celui-là a du pouvoir, il ressemble à un baron de la drogue bling-bling. Le jeu de Jared Leto semble ma foi plutôt honnête notamment à travers le rire qu'il offre au clown emblématique. "Semble", parce qu'il est difficile de se faire un avis sur si peu d'apparitions : on le voit en tout et pour tout une dizaine de minutes, grâce à la magie du montage à la machette. Montage nous privant également de la vraie relation Joker/Harley Quinn, qui n'a rien à voir avec l'amour profond et réciproque montré dans le film. Il est très dommage de devoir attendre une version director's cut et les productions à venir pour enfin voir ce qu'on nous avait le plus teasé.

Margot Robbie est l'atout incontestable du film puisqu'il lui incombait la lourde tâche d'incarner la première Harley Quinn au cinéma, un personnage un peu spécial et très apprécié des amateurs de l'univers DC. Rien qu'à voir son costume, ce n'est clairement pas la même Harley que dans la série animée ou les jeux Arkham et je ne suis pas 100% fan de la version de sa génèse présentée dans le film... Mais c'est une bonne Harley. Même Paul Dini, co-créateur du personnage, le dit. A défaut de voir un peu plus de Joker, c'est elle qui crève l'écran.




Si les bandes-annonces faisaient craindre un film un peu sexiste, c'est l'inverse. Il y a du féminisme (j'entends égalité homme-femme) dans Suicide Squad. Les personnages sont traités de façon similaire, peu importe leur sexe : des femmes peuvent être méchantes ou même se prendre un bourre-pif pour la blague. L'organisatrice de la mission, Amanda Waller, est quant à elle un personnage travaillé et assez trouble. Pourtant, j'ai lu dans certaines critiques que quelques répliques et comportements étaient sexistes. Je n'ai rien relevé de tel et en y repensant, je trouve même ces éléments à leur place, en accord avec le scénario et les personnages. Notamment pour Harley Quinn ("programme normal") : encore faut-il avoir envie d'arrêter de chercher du sexisme partout et s'intéresser un peu à la psychologie des personnages...

Un autre point fort du film, un de ceux qui lui valent sa comparaison avec Les Gardiens de la Galaxie, c'est sa bande originale. Le film est jalonné de morceaux des années 70-80-90, probablement eux aussi ajoutés à la dernière minute pour rendre le film "cool". Et ça marche ! A noter qu'une superbe reprise de "I started a joke" des Bee Gees est malheureusement absente du film mais habillait la première bande-annonce (bien plus sombre que le film final) et figure sur la BO. Au-delà de ça, le score original est composé par Steven Price, qui avait signé celui de Fury (le précédent film de David Ayer) mais surtout la phénoménale musique de Gravity. Si aucun morceau ne saute à l'oreille comme dans ce dernier, l'ensemble reste agréable à écouter. Sans oublier le très cool morceau Heathens de Twenty One Pilots qui fait une excellente chanson-titre.


Pourtant, même s'il ne s'en sort pas trop mal, Suicide Squad a quand même de sacrés défauts. Son scénario est le plus important, puisque l'histoire en elle-même n'est pas du tout intéressante en plus d'être jonchée de clichés de films esotérico-action. Le Retour de la Momie, vous vous souvenez ? Non ? Tant mieux. C'est bien simple, l'élément perturbateur est plutôt intéressant mais son origine est une aberration. Et coup de grâce : remplacez la célèbre squad par des personnages inconnus, vous obtenez un film sans grand intérêt. 

D'autant qu'on ne ressent pas de peur ni même de tension devant les épreuves traversées par les personnages. Les événements extérieurs à la mission sont plus riches en rebondissements et en émotions que la mission elle-même, c'est dommage.



Je parlais plus haut du côté fun du film qui a été dopé à la dernière minute. De manière générale, on sent que la Warner a voulu prendre le total contrepied de Batman V Superman, auquel il a surtout été reproché de trop se prendre au sérieux. Suite à l'accueil froid de BvS, quelques scènes de Suicide Squad ont été re-tournées. Et même si ça ne se voit pas en terme de faux raccords, ça se sent.

Si on se doutait déjà que ces méchants allaient se révéler pas si méchants pour qu'on s'identifie à eux, cette légère surdose d'humour noie un peu le potentiel dramatique des personnages, qui a pourtant été construit... enfin, pour certains. En plus d'un Joker visiblement diminué, seuls trois membres de l'escadron sont développés, les autres sont accessoires. On peut se dire que c'est le risque quand on introduit plus de 4 personnages censés être égaux mais là, c'est vraiment flagrant qu'il y a des protagonistes et des seconds rôles. Le comble ? Ce sont ceux qu'on connaissait le moins qui sont laissés sur le carreau.




Malgré tout, il y a un petit quelque chose dans l'imperfection de Suicide Squad qui fait son charme. On prend plaisir à voir évoluer ces personnages, on ne s'ennuie pas, on salue aussi les effets visuels (le maquillage de Killer Croc), on entend de la bonne musique. Et quand le générique de fin arrive, on se dit que déjà le générique est cool lui aussi, que c'était pas si mal que ça et qu'on a envie de voir la suite. Une suite, voire une quinte flush royale !


Photos : DC Entertainment / Warner Bros.

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