- Pas de spoilers -
Life is strange. Vous avez certainement entendu parler de ce jeu épisodique édité par Square Enix et pourtant tout droit sorti de notre pays du camembert, plus précisément du studio DontNod.
Si vous en avez entendu parler sur les sites "habituels" traitant de jeux vidéo, oubliez un peu ce que vous y avez lu. Je m'explique : oui, les personnages principaux sont deux jeunes filles. Ce n'est pas l'essence du jeu, loin de là. J'ai eu l'impression, en lisant certains papiers, que le joueur lambda risquait de voir ses parties viriles tomber par-terre s'il incarnait une femme sans avoir été lourdement prévenu... *poc*
Rapide pitch : nous incarnons Maxine "Max" Caulfield, étudiante en photographie dans une école privée. Elle fréquente en toute amitié Warren, un sympathique et mignon geek. Max est simple, gentille et ne fait de mal à personne. Jusqu'au jour où elle se trouve au mauvais endroit au mauvais moment et découvre tout à fait par hasard qu'elle peut remonter le temps à sa guise sans bouger dans l'espace. Bim. Vous avez compris pourquoi ça m'a plu.
En plus du champ de possibilités qu'offre ce pouvoir, d'autres intrigues se mettent en place : une étudiante a mystérieusement disparu, des élèves friqués en malmènent d'autres et Max retrouve sa meilleure amie d'enfance, Chloe, qui a un peu mal tourné depuis la mort de son père. Chloe connaissait Rachel, l'étudiante disparue, et c'est ainsi que Max et elle vont commencer à enquêter sur sa disparition.
A priori, l'univers de Life is strange est féminin mais surtout adolescent. Le point'n'click se prête à cette ambiance posée et contemplative : la voix de Max est douce, ses gestes délicats et quelques scènes de conversation, après 5 épisodes à ce rythme, peuvent frôler la limite du soporifique si on n'est pas complètement dedans. On nous propose souvent de nous asseoir et de contempler ce qui nous entoure le temps d'un monologue intérieur, le temps d'une pause. C'est apaisant et ça fait du bien. Le jeu retranscrit parfaitement le ressenti de l'adolescence, aussi bien qu'un Virgin Suicides où les émotions et l'importance de banalités sont multipliées par 1000.
Grâce à ça, la violence n'en devient que plus marquante... lorsqu'elle est physique. Car cet univers adolescent balance vite ses personnages dans une intrigue plus adulte et certains des thèmes abordés sont loin d'être légers.
L'enquête et les enjeux supplémentaires qui s'ajoutent au fur et à mesure créent le réel suspense du jeu et lui confèrent l'atmosphère lancinante du "calme avant la tempête". Oncle Ben avait raison : un grand pouvoir implique... de grosses emmerdes. Car si Max peut remonter le temps en claquant des doigts (pas physiquement mais presque), elle est aussi la seule à voir venir quelque chose de terrible, qu'elle devra comprendre et éviter rapidement car chaque épisode représente une journée. Sans compter que le pouvoir de Max évolue, ajoutant à la complexité de sa situation puisqu'elle doit régulièrement assumer les conséquences de plus en plus lourdes de ses bidouilles temporelles.
Pour appuyer sur cette ambiance et sur la sensation d'urgence, beaucoup d'éléments scénaristiques reposent sur des échéances qui semblent immuables bien que le gameplay repose sur la manipulation du temps.
L'ambiance sonore du jeu et sa BO folk et post-rock figurent parmi ses gros points forts. Les morceaux de fin d'épisodes sont des bijoux qui ajoutent une dimension superbe aux cliffanghers et à la conclusion. En vrac, on a Syd Matters, Mogwaï, Local Natives, Foals... dont les morceaux en question ont tourné en boucle dans mes oreilles entre chaque épisode et après la fin du jeu.
Visuellement, les graphismes ne sont pas aussi subtils que leurs contemporains, surtout concernant les textures. Mais j'ai envie de dire qu'on s'en fout royalement et que les probables limites de DontNod deviennent ici un parti pris. Ils ajoutent au côté "journal d'adolescente", tout comme les caractères manuscrits et les items/personnages qui sont mis en surbrillance avec des traits de crayon blanc.
Le jeu contient tout de même quelques tout petits défauts : la remontée dans le temps possède plusieurs vitesses et la plus rapide ne peut pas être stoppée, occasionnant des retours beaucoup trop lointains dans un dialogue ou une scène. Egalement sur le retour dans le temps, il peut être utilisé de plusieurs façons et certaines sont trop rares pour devenir un réflexe : on finit par les oublier et par bloquer sur des broutilles.
Mais ces bémols ne font pas le poids face à la qualité de l'écriture. La trame scénaristique de Life is Strange, déjà prenante à la base, se ramifie au fur et à mesure de nos choix plus ou moins importants. Si on peut regretter le fait que des choix apparemment cornéliens ne jouent finalement pas tant que ça sur l'issue des choses, certains vous feront gamberger quelques instants. Pouvoir remonter le temps n'y change pas grand chose : si on peut voir les conséquences de tous les choix possibles puis rembobiner, ces dernières ne sont pas assez immédiates pour apprécier la supériorité d'une option sur une autre.
Pourtant, on notera que certains comportements tout au long des 5 épisodes conditionneront un "détail" et changeront toute la lecture du jeu même si la conclusion globale reste entièrement entre nos mains. Deux fins sont possibles, bien qu'une des deux soit la plus sensée et reste la "vraie fin" pour beaucoup de gens.
Malgré les quelques autres très bons jeux auxquels j'ai joué en 2015 (Resident Evil HD Remaster, Until Dawn, Batman Arkham Knight...), le bébé de DontNod sera mon jeu de l'année. Oui, en plus du fait que les protagonistes sont des femmes, il peut sembler "féminin" si on grossit le trait et qu'on considère que la subtilité, la pudeur, la contemplation et les émotions sont des choses typiquement féminines. Mais je ne le crois pas.
Au-delà de son aspect surnaturel et aussi grâce à lui, Life is Strange nous emmène dans le genre d'histoire toute bête et poignante par sa simplicité, dont on se dit que finalement... c'est la vie.
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